Invitée en 2004 pour une résidence à la Cité internationale des arts à Paris, Claire Nicole décide de partir sans ses terres. Elle n’embarque dans ses bagages qu’un rouleau de papier calque. Et elle découvre à Paris le noir de vigne, fait de ceps de vigne brûlés. Un noir considéré comme le plus absorbant qui soit. Il est à la fois volatil et incroyablement dense, couvrant, puissant et velouté. Ses pigments pulvérulents, presque immatériels et pourtant incroyablement sensuels, elle les dépose sur la page mêlés à de la colle ou de l’acrylique, avec ses souples pinceaux japonais. C’est la révélation! Papier calque ou papier japonais (tous deux apparemment fragiles et délicats et pourtant incroyablement résistants), pinceaux japonais et noir de vigne deviennent ses meilleurs alliés.

Françoise Jaunin, Claire Nicole, Till Schaap Edition | Genoud, Berne et Mont-sur-Lausanne, 2016

 

 

L’arrivée des terres dans la peinture de Claire Nicole à la fin des années 1980 résulte du rapport tactile et quasi organique que l’artiste a toujours eu avec ses matériaux et couleurs. “J’aime, dit-elle en ramassant ses pigments naturels, cet état de virginité et de dénuement qui me permet de dire ce que je ressens sur la nature, sans pour autant tomber dans la figuration”. Claire Nicole broie la terre et l’affine longuement, la sédimente en fines couches et la regratte au papier de verre pour retrancher à chaque strate presque autant qu’elle y ajoute, et y fait jouer superpositions, transparences et vibrations en un lent travail de captation tactile de la lumière. Ses terres s’y font légères, frémissantes, aériennes, presque immatérielles. Mais en même temps sensuelles et vibrantes. Délestées de toute pesanteur, mais jamais désincarnées.

Françoise Jaunin, Claire Nicole. Terres gravées, Editions Vie Art Cité, Lausanne, 1998.